VIVRE À TRAVERS LE REGARD DES AUTRES

Au tout début de ma maternité a émergé ce besoin de prendre réellement responsabilité de ma vie, de façon plus radicale que je ne l’avais vraiment fait avant.

Même si c’était soft, quand même (c’est dans ma nature, le mot radical ne me va vraiment pas haha), ça a quand même soulevé des questionnements, des malaises, des incompréhensions de la part de mon entourage. C’est normal tsé.

Quand on décide de vivre un tantinet différemment du voisin, dans mon cas avec moins d’objets, moins d’engagements, plus de lenteur, une parentalité respectueuse et plus d’espace intérieur/extérieur (la maternité m’a donné du temps, quand le message qu’on entend partout c’est que c’est un énorme grugeur de temps), l’autre peut se sentir jugé et incompris dans ses propres choix, même si nous ne portons aucun jugement sur les choix des autres. Tsé, l’effet miroir des relations humaines. Tant que nous demeurons dans cet espace de non jugement de l’autre, on s’entend, la réaction et l’incompréhension des autres ne nous concernent pas.

Mais ça n’a pas été facile pour moi de me rendre à ce détachement du regard de l’autre, un détachement dans l’amour, non pas dans le désintérêt et le je-m’en-foutisme.

Ce morceau, d’être courageusement moi et vivre selon mes valeurs profondes (et d’abord connaitre ces valeurs profondes, tsé, les miennes, pas celles dictées par les autres), est venu déclenché en moi un de mes propres mécanismes de défense et de protection : donner plus d’importance aux autres qu’à moi.


Si ma maternité m’a donné la force et le courage d’enfin mettre mes valeurs personnelles en avant plan des autres (ça sonne encore égoïste pour moi, je suis encore déclenchée même en l’écrivant ici), il a fallu que je montre à mon système nerveux que tout le monde n’allait pas m’abandonner même si je choisissais de faire différemment, à ma façon. Que j’allais être en sécurité, que j’étais en sécurité, même sans l’approbation de l’autre.

Comme pour plusieurs, quand j’étais jeune, l’image projetée vers les autres était importante dans mon entourage. C’était inconscient, c’était « la façon de faire » généralisée. Étant une enfant sensible aux autres et qui était portée naturellement à prendre soin et être de service, j’ai intégré le message que ce que les idées des autres primaient sur les miennes, que j’étais aimé quand je prenais soin, quand j’étais d’accord avec les autres, quand je disais oui même si ça ne me tentait pas, quand je dérangeais personne, etc. J’ai tellement mais tellement longé les murs de mon école, pour pas être vue. Je parlais presque jamais, sauf à mes amies. J’ai passé des soirées entière à être là, dans des partys, sans parler. Je m’effaçais. J’étais hypervigilante partout, tout le temps. C’était plus sécuritaire, tsé.

Cela a créé beaucoup de confusion intérieure en moi. J’étais comme toujours un peu dans un nuage et les autres me procuraient ce vent qui nettoyait ma confusion, clarifiait mon ciel. Je n’étais pas influençable, au moins, mais sans ce reflet des autres, j’étais perdue quand même - inconsciemment, of course.

Je ne me connaissais pas en tant qu’individu. Je me suis sentie si longtemps une coquille vide. Je ne m’attribuais que très peu de valeur.

Tranquillement, une décision pour moi à la fois, en me donnant cette permission, j’ai reconstruit mon sens d’identité. J’ai entamé ce processus avant de devenir mère, au début de ma vingtaine, sans trop m’en rendre compte. Pas un sentiment de too much généralisé, j’ai commencé à prendre action pour moi, un pas à la fois. Et c’est vraiment en devenant mère que ça s’est renforcé. Que j’ai cultivé mon paysage intérieur et que je l’ai laissé émerger.


Je me suis pratiqué. Je me pratique encore, évidemment, dans certains aspects de ma vie. Avec la force que me donnait la maternité, j’ai commencé à dire de vrai non. Non à un surplus dans mon environnement, non aux vieilles méthodes éducationnelles qui nous déconnectent de l’autre, non au hustle, non à se définir à travers la performance et aux résultats, oui à écouter mon corps, ses besoins, oui à écouter mes enfants et leurs besoins et y répondre tout en répondant à mon enfant intérieur. Je m’assume et je n’ai plus peur du jugement des autres. Oui, quand je réponds à une crise de mon enfant à l’épicerie au lieu de le faire taire à tout prix, quand je sens le jugement des autres autour de moi, je sens que mon mécanisme de défense intérieur veut embarquer. J’ai le fawn ben fort haha mais je respire, je reviens au centre, je reconnecte avec ma vraie de vraie moi qui SAIT pourquoi elle fait ce qu’elle fait. Et tout d’un coup, j’ai cette force de ne pas me laisser atteindre par ces regards, je peux être présente pour mon enfant.

Si j’en parle ici, c’est que pour une grande majorité de mes clientes, la peur du jugement des autres revient extrêmement souvent. Ça fait tellement de bien de se regrouper entre like-minded people, ça aide à se coréguler ensemble et à se donner ce courage d’être soi. Et par le fait même, en cultivant ce courage d’être soi, on permet à nos enfants d’être eux aussi, entièrement.

Être un people pleaser, c’est un mécanisme de notre égo. Ce n’est pas notre vraie nature. On peut montrer à notre corps une nouvelle façon de faire face à la vie. Ça se réapprend <3

Elisabeth Simard