Elisabeth Simard

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MATÉRIALISME | LE JOURNAL

J'ai eu la chance d'avoir mes deux garçons en même temps que plusieurs de mes bonnes amies et ma soeur. Avoir des enfants, ça soulève des questionnements et des réflexions. Quand tu peux discuter et réfléchir avec des personnes qui te sont chères, ça vaut de l'or. Récemment, le matérialisme chez les enfants est venu sur le sujet à plusieurs reprises.

Depuis ma première grossesse, je me suis sentie souvent confrontée face à mon désir de ne pas avoir beaucoup de "stock de bébé". Puisqu'à première vue, cette idée va à l'encontre de ce qui se fait couramment et de ce que les magasins et sites Internet clament haut et fort (m'avez-vous vu le contenu des listes des soi-disant essentiels pour bébé, qu'il vous FAUT absolument lorsque vous attendez un enfant? OH MY!), ça m'a forcé à m'expliquer aux gens, et par le fait même, à m'expliquer à moi-même pourquoi je ressentais cette pulsion à avoir moins. Ça m'a permis d'éclaircir ma pensée.

Au départ, je pensais que c'était parce que je trouvais ça vraiment laid, les choses pour bébé. Je ne voulais en aucun cas me sentir envahie pour toutes ces choses hyper colorées et criardes. Je trouvais désastreux d'acheter autant de stock, même usagé, pour ne l'utiliser que quelques mois, d'acheter autant de stock au cas-où j'en aurais besoin. Je dis "je", mais petit mari partageait également cette pensée. Je le précise, car c'est très important puisque ça demande toujours un peu plus d'effort d'être légèrement à contre courant. Je voulais que chaque chose soit réfléchie avant de prendre demeure chez nous. Puis, je voulais que les choses qui entrent chez nous soient le plus neutres possibles, à moins qu'elles ne nous soient prêtées (ce qui est arrivé très très souvent au cours de la première année de vie de H, MERCI MERCI MERCI).

Petit à petit, j'ai également voulu orienter la quantité et le style des jouets et les cadeaux que les garçons recevaient. Sur le coup, certains ont perçu mon attitude comme du snobisme. Ce n'était pas du tout ça. À mon sens, des jouets qui font du bruit trop facilement ou qui vous flash ses lumières à rendre Jean-Marc Parent complètement fou n'apportent rien de constructif à l'enfant, en plus de me taper royalement sur les nerfs. Ils font tout pour lui, l'empêchent d'apprécier les textures, les différents poids, la subtilité des couleurs. Ça ne me tentait pas d'être envahie par des choses que je ne croyais pas utile au bonheur quotidien et aux explorations de H. Des choses qui consomment des batteries à outrance. Nous avons donc fourni un minimum à H dès son plus jeune âge. Des blocs en bois, des animaux, des anneaux à empiler en bois, un toutou et des objets du quotidien comme des plats de plastique, des cuillères de bois, des chaudrons. Et bien sûr des livres et des livres. Là-dessus, je peux dire que je fais dans l'excès ahah! Ses jouets étaient ordonnés et à sa portée. D'aussi loin que je me souvienne, H passait une majorité de son temps au sol.

En vieillissant, on a ajouté quelques jouets de base au gré de ses capacités et de ses intérêts. Je l'ai vu observer longuement ses petits jouets. Les cogner au plancher pour qu'ils fassent du bruit. Les empiler, les faire rouler. J'ai vu la concentration dans ses yeux. C'était magnifique.

Dans ma tête, le fait de donner des jouets neutres et inanimés à H obligeait H à trouver le plaisir dans ces simples objets, qui à première vue ne semblent pas apporter grand-chose. Ça lui donnait toute la liberté de faire fleurir sa concentration, sa motivation intrinsèque. Il pouvait passer de longs moments à jouer seul, concentré. Et pendant ce temps, je m'efforçais de lui donner de l'espace, de ne pas briser sa concentration par mes paroles ou mes encouragements, qui n'étaient pas nécessaires à son bonheur, à ce moment précis. Je n'étais jamais bien loin, évidemment.

Puis, peu à peu, les choses se sont accumulées. Nous avons reçus des cadeaux, dont plusieurs étaient parfaitement en ligne avec notre pensée (MERCI!). J'ai donc installé un semblant de salle de jeux dans le grenier, puis gardé les jouets de base au salon, là où on passe 90 % de notre temps. 

Mais quand on monte dans la salle de jeux, tout change...

Depuis que j'ai installé cet espace, j'ai remarqué que H devient un peu fou quand on va dans la salle de jeux. L'abondance (on s'entend, ici, qu'il n'y en a pas tant que ça non plus) l'étourdi et généralement, il ne sait pas trop avec quoi jouer. Ses jeux ont beaucoup moins de sens lorsqu'il est confronté à trop de choix de la sorte. J'ai beau rangé les jouets de façon logique et ordonnée, l'abondance l'étourdi. Ça a confirmé un peu que notre démarche est peut-être celle qui fonctionne le mieux pour nous. Que moins, c'est mieux.

Tout ça pour dire que le matérialisme chez l'enfant est un sujet qui nous habite depuis longtemps sans qu'on s'en rende vraiment compte. Récemment, c'est devenu un sujet de conversation avec mes amies avec enfants dont on partage la vision générale sur le sujet.

Comment ça se fait que certains enfants en veulent juste toujours plus, ne semblent pas satisfaits ou ne semblent pas jouer pleinement avec leurs jouets? Est-ce que nos comportements influent beaucoup sur leur perception des objets qui les entourent?

En faisant un tour sur le sympathique blogue Et si c'était simple, je suis tombée sur un article portant sur le sujet du matérialisme. Un article publié au départ sur le blogue d'actualité environnementale Treehugger. Le sujet de l'article est une étude qui établit certains liens entre les tactiques qu'utilisent les parents pour discipliner les enfants et l'augmentation potentielle du matérialisme plus tard au cours de leur vie. Sans prendre le tout à la lettre, comme pour tout ce qui concerne l'éducation, l'article invite à réfléchir à ce sujet important dans l'ère de la surconsommation et du réflexe de calmer ses enfants à leur place souvent avec l'aide de jouets, d'une collation ou de nananes.

Les trois comportements principaux qui sont pointés du doigts sont (traduction libre) : 

1) Utiliser des cadeaux pour féliciter les enfants quand ils accomplissent quelque chose
2) Donner des cadeaux pour montrer d'affection
3) Retirer des cadeaux ou des jouets comme tactique pour punir les enfants

Bien que nous essayons majoritairement de discipliner H en utilisant les explications et en l'emmenant à réfléchir à ce qu'il fait, il demeure qu'il n'a que deux ans et des poussières et que, parfois, nous en venons à utiliser le comportement #3. L'horreur dans ses yeux quand, après plusieurs réprimandes, je lui dis que je range toutes ses petites autos pour la journée. Ça marche mais ce n'est pas la solution miracle, évidemment, quand c'est utilisé comme premier réflexe sur une base quotidienne. Heureusement, notre entourage n'a pas le réflexe de submerger les garçons de cadeaux spontanés et sans contexte. Ça aide beaucoup, quand l'entourage supporte nos idées.

Ah les défis de l'éducation! On n'a pas fini de se questionner sur ce sujet fascinant.

On en rejase!