Elisabeth Simard

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TRANSFORMER LE MONDE EN EXPLORANT LIBREMENT

Les horaires surchargés, la surabondance d’information, la pression sociale qui pèse sur les parents d’aujourd’hui pour fournir à leurs enfants le maximum d’activités et d’expériences possibles, les désirs de rapidité et de totalité…le monde occidental est engorgé de surplus, de rapidité. Tout est calculé, prévu, attendu, aseptisé, contrôlé. Quelle place a l’enfance dans ce tourbillon moderne?

Nous le savons tous : jouer dehors, c’est bon. Ça régularise les comportements (lire ici les émotions!) des enfants, contribue à réduire leur stress (de plus en plus important, malheureusement) et leur anxiété. Jouer dehors, en toute liberté, c’est bon pour tous, adulte ou enfant. Comment en sommes-nous venus à perdre le réflexe de ce geste si simple, en tant que société?

Lorsque je discute avec mes amis ou les parents de mon quartier, tout le monde s’entend pour dire que nos enfants ont besoin de jouer dehors librement et que c’est bon pour eux. 

Pourtant, je constate que, plus souvent qu’autrement, il y a plus de parents que d’enfants dans les modules de jeu. Des parents occupés à proposer des idées, à surprotéger, à inventer des jeux à la place de leur enfant.

Je constate qu’il arrive régulièrement qu’un enfant n’a pas le droit de creuser dans la terre, car il va salir ses vêtements, parce que c’est « dégueulasse ».

Qu’un enfant n’a pas le droit de ramasser des branches, encore moins de jouer avec des bâtons ou des cailloux, parce que c’est « dangereux » et qu’il va faire mal à quelqu’un.

Qu’un enfant n’a pas le droit de grimper dans les arbres pour découvrir sa force, parce qu’il va tomber.

On demande à nos enfants d’être courageux et brave, d’être résilient, sensible et créatif, mais laissons-nous réellement l’espace nécessaire pour qu’ils déploient leur personnalité de cette façon?

Lorsque mes enfants jouent dehors, je les vois heureux, vivants, débordants d’énergie et de vitamines. Leurs yeux pétillent, leur imagination déborde, leur débrouillardise est à son comble.

Les voir explorer la pluie, l’observer, la goûter, courir exaltés dans les flaques d’eau me fait réaliser  que la vie est simple et belle.

Je me surprends à ressentir une grande fierté lorsque mon grand de 5 ans réussit de lui-même à surmonter sa peur et à grimper un peu plus haut dans un arbre.

Je suis fière qu’il écoute son corps lui dire que c’est assez, qu’il est assez haut pour aujourd’hui. 

Je suis fière qu’il écoute son cœur lui souffler le courage lui disant que, cette fois, il peut monter un peu plus haut, il est maintenant prêt. 

Je suis fière de voir son pied qui s’assure que la branche est bien solide lorsqu’il grimpe sur le « mat du bateau dont il est le capitaine ». 

Je suis fière de le voir faire la courte-échelle à son frère de 4 ans pour que lui aussi puisse grimper sur le toit de notre poulailler urbain, qui est devenu leur vaisseau spatial.

Dès leur plus jeune âge, j’ai tenté de raisonner mon cœur de mère protectrice pour m’assurer de ne pas devenir un parent hélicoptère. Sans non plus les laisser aller sans m’assurer de leur sécurité, je leur laisse une très grande liberté de jeu et de mouvements sur notre terrain depuis qu’ils sont des tout-petits. Je les laisse explorer une certaine forme de danger. Sans oser le dire trop fort, je les laisse seuls dehors dans notre petite cour cachée au cœur de la vieille ville depuis leur très jeune âge, les observant d’un œil rempli d’amour, de la fenêtre de la cuisine.

Nous habitons en plein cœur du centre-ville, et bien que nous ayons accès à plusieurs parcs, nous nous faisons un devoir de nous rendre en nature - en forêt, en bordure du fleuve ou d’un lac - chaque semaine. Depuis que nous avons instauré ces sorties, la famille entière se sent beaucoup mieux. Durant ces sorties, je me donne comme mission de transposer ce sentiment de liberté que nous tentons de leur fournir à la maison. Loin de moi l’idée de toujours avoir un objectif précis durant ces activités, de faire tel ou tel sentier dans sa totalité, de monter jusqu’au sommet ou de nous rendre du point A au point B dans un temps donné. 

Au contraire, je laisse mes enfants le luxueux plaisir de découvrir la nature à leur rythme. En restant quelques pas derrière, juste assez proche pour assurer leur sécurité sous nos regards bienveillants, et juste assez loin pour qu’ils se sentent pleinement eux-mêmes, je laisse mes garçons vagabonder au gré de leurs envies. J’observe la totalité de leurs sens s’émerveiller, s’amplifier. Ils se connectent à eux-mêmes, se centrent. La nature inspire la créativité, permet de la contemplation et la visualisation pour nos enfants. Des outils précieux pour vivre une vie plus consciente et connectée, des outils qui se perdent dans notre monde chaotique. Mes enfants, libres en nature, se connectent à leur essence, à leur imagination.

Peut-être trouvez-vous que votre enfant passe beaucoup de temps dehors : il joue au soccer, il fait du ski et va dans des camps une semaine pendant l’été. Pourtant, selon Richard Louv, l’auteur du merveilleux livre « The Last Child in the Woods », la plupart des enfants d’aujourd’hui souffrent d’un déficit de nature important, un élément vital pour la santé et le bon développement physique et psychologique. Selon M. Louv - et tant d’autres spécialistes, l’absence ou le manque de grand-air quotidien est une des causes importantes de l’obésité infantile, des problèmes d’attention, de la myopie, du déficit en vitamine D et autres, sans oublier le fait que ne pas aller dehors assez souvent diminue grandement la capacité pourtant si humaine d’utiliser tous ses sens dans leur plein potentiel.

Personnellement, un élément qui me tient profondément à cœur est le souhait qu’en laissant mes enfants se connecter à la nature d’une manière profonde dans leur petite enfance contribuera à développer pour elle un amour profond en grandissant. Que, naturellement, leur sens écologique et environnemental se développera sans forcer, selon leur propre définition et leur amour pour la Terre. Je suis convaincue que de permettre à mes enfants de jouer abondamment dans la nature, à leur guise et à leur façon, créera une empreinte durable dans leur être. 

À une époque où jouer avec un bâton ou encore laisser son enfant se salir dans la terre est plus ou moins bien vu et accepté, il m’inquiète de penser que ces enfants déconnectés de leur planète auront la volonté nécessaire pour transformer la façon dont la nature est protégée et utilisée actuellement. Dans mon cœur de mère, mais aussi de femme sensible à protéger l’environnement, dans ma peur que les enfants de mes enfants n’aient pas la chance de même connaître ce qu’est une forêt, j’ai espoir de contribuer à un geste plus grand que nous.

Je suis convaincue qu’en laissant mes enfants découvrir la nature au gré de leur personnalité, ce qui passe par une grande liberté de jeu dehors, beau temps, mauvais temps, j’investis de cette façon dans leur santé, mais également dans la santé de la planète, de la société. Redonner le cadeau de la liberté aux enfants, c’est transformer le monde et c’est pour cette raison que je joins avec fierté le mouvement #LibérezLeJeu qu’a créé l’entreprise canadienne Kamik.

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